La RPA, l’intelligence artificielle et l’Eglise

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Robots, intelligence artificielle, église, religion

L’Église catholique tente de s’accorder avec son temps. C’est en tout cas ce que montrent les récents événements organisés par des associations religieuses sur la question des nouvelles technologies et en particulier de la robotisation. Nous pouvons citer par exemple le rapport éthique « Robotisation of Life » de la COMECE (Commission des Evêques auprès de la Commission Européenne) en janvier 2019, la conférence « Roboéthique : humains, machines et santé » de l’Académie pontificale pour la Vie en février 2019 ou encore l’audience entre le président de Microsoft et le Pape François pour la création d’un prix d’éthique en intelligence artificielle la même année. Quelle est donc la position de l’Église sur la RPA ? Comment pourrait-elle éclairer les rapports entre humains et robots ?

Primauté de la vie humaine : l’Église veut des robots humanistes

L’Église ne rejette pas les avancées technologiques dont fait partie la RPA mais utilise ses principes moraux pour juger de leur utilisation.

Elle recommande tout d’abord un asservissement total des robots en suggérant d’élargir le champ des rapports qu’entretiennent les humains avec la nature et les animaux, aux robots. Il faudrait ainsi s’inspirer de cette hiérarchie verticale que l’on retrouve dans la Bible sur les créatures non-humaines afin de l’appliquer aux créatures robotiques : « soumettez [la terre] ; tenez dans la soumission les poissons de la mer, les animaux ailés du ciel et tous les animaux qui se déplacent sur la terre. » . L’humain doit rester maître du robot.

Ensuite, les robots ne devraient pas servir de mauvaises intentions humaines. « Pour le pape [François], ces technologies pourraient nous être néfastes si elles n’étaient pas accompagnées « d’un développement de l’être humain en responsabilité, en valeurs, en conscience » ». Cela suggère un double développement, à la fois de la machine au service de l’humain mais aussi de l’humain au service de l’humain pour ne pas pervertir ces technologies (ex. robots-tueurs) à d’autres fins qui ne seraient pas humanistes.

La RPA selon l’Église est donc acceptable seulement si elle est au service des humains.

La RPA et le développement de l’IA doivent trouver des limites dans une éthique pensée pour préserver la dignité humaine

Le développement des robots logiciels est de plus en plus lié à celui de l’intelligence artificielle (cf. le concept d’hyperautomatisation). Or le développement de l’IA tend à bouleverser les questions morales et notamment le sens de la responsabilité des individus humains.

Le COMECE nous apporte son éclairage : « même si la machine peut interagir avec voire même assister des personnes humaines, ce n’est pas à proprement parler un agent moral et l’ultime responsabilité incombe toujours aux humains » . L’Église considère que la responsabilité s’applique en dernier lieu au créateur. Appliquons cette position à l’exemple de la voiture autonome : en cas d’accident, le seul responsable serait le constructeur étant donné qu’il est celui qui a programmé la machine.

Le robot ne peut ainsi être considéré comme une personne dotée d’agentivité morale et donc de responsabilité puisque cela placerait l’humanité et la robotique sur le même plan éthique. En cela l’action humaine, de même que la liberté, se trouveraient limitées. Ce n’est pas éthiquement acceptable puisque ce serait contraire à la primauté catholique de la dignité humaine. Dans notre exemple, ce ne sont pas les autres usagers de la route qui devraient faire attention à ne pas se faire écraser par une voiture autonome mais bien au constructeur de rendre impossible la survenue de tout accident. Chaque humain est dès lors responsable de créer des robots qui servent les hommes et il est nécessaire d’encadrer la robotique par une éthique en faveur de la primauté humaine ; c’est-à-dire qui ne limite pas la liberté d’autres individus.

L’Eglise préconise d’étendre l’éthique à la société au lieu de se concentrer sur les individus

Le COMECE rapporte certaines problématiques sociétales liées à l’émergence de la robotisation, y compris logicielle (RPA).

Premièrement, l’humanité ne doit pas être remplacée par les robots excepté si cela est favorable aux humains. Il est moral de remplacer les humains pour des tâches dangereuses ou inhumaines (ex. robots démineurs) afin de préserver la dignité humaine. Cependant les robots ne doivent pas prendre le travail des humains puisque cela affecterait leurs libertés. L’Église tient à ce que les inégalités sociales ne s’accroissent pas à cause du remplacement des travailleurs humains par les robots.

Deuxièmement, la robotisation doit rester une opportunité et non une nécessité absolue. Pour le philosophe français Francis Wolff, l’usage de la technologie est pertinent seulement si cela sert l’humanité toute entière plutôt qu’une poignée d’individus. Il semblerait que l’Église rejoigne Wolff dans la volonté d’opérer un changement de paradigme éthique. L’éthique de la robotique devrait aussi se préoccuper de ceux qui n’ont pas accès aux nouvelles technologies . De fait, il serait pertinent de se placer dans une éthique à la 3e personne, une éthique du « nous », qui s’étendrait à la sphère sociétale, sans rester dans une éthique individuelle jugée insuffisante. L’usage du robot ne devrait pas être considéré comme éthique uniquement à partir du moment où il apporte des richesses à un seul homme mais plutôt s’il sert globalement l’humanité.

Conclusion

La technologie actuelle offre la possibilité de transcender la condition humaine avec toutefois deux écueils possibles : d’un côté il s’agirait d’humaniser la machine, de l’autre de mécaniser l’homme. L’Église pourrait, par sa portée humaniste, apporter certaines pistes de réflexions intéressantes pour une éthique de la robotique. Le but est de pouvoir protéger les humains de potentielles dérives ou conséquences néfastes issues de la RPA ou de l’IA (perversion d’usages, fracture technologique, etc.). En cela, l’Église rejoint déjà certaines considérations éthiques présentes hors du cadre religieux, telles que les trois lois d’Asimov.

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Sources : StoryShaper, COMECE, Academy for Life, Bible

1 comment

  1. Un angle inattendu et intéressant ! Je note, mon cher Benoît, que le goût de la philosophie, mêlé à celui des technologies numériques, ne vous a jamais quitté depuis votre cycle préparatoire à l’Efrei et je m’en réjouis. Au plaisir de vous lire !

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