Le fantasme anthropocentrique de rendre vivant des artefacts techniques existe au moins depuis l’Antiquité. Les années 1940 marquent un réel tournant dans le domaine informatique avec l’arrivée des premiers ordinateurs. Avec eux, l’intelligence venait enfin de trouver un réceptacle artificiel prêt à l’accueillir et une nouvelle page de l’histoire des sciences allait s’écrire.
Les premiers ordinateurs, des machines à calculer pas encore intelligentes
Les premiers ordinateurs sont des systèmes de traitement de l’information. On préfère alors le terme « calculateur » à ordinateur pour désigner ces machines, puisque les tâches demandées sont principalement de l’ordre des calculs arithmétiques et de la logique. Nous sommes encore loin des ordinateurs que nous connaissons aujourd’hui. En effet, ces ordinateurs sont programmés afin de réaliser des tâches simples et répétitives. On ne demande pas vraiment à ces machines d’analyser ni de s’adapter à un contexte.
Et si elles étaient cependant en mesure de le faire ? De nombreuses disciplines s’emparent de cette question (en informatique, en sciences cognitives, en électronique, en mathématiques, etc.). Les chercheurs tentent d’imaginer à quoi ressembleraient des systèmes complexes artificiels, dont le but ne serait plus seulement de recevoir des informations, de les traiter et de fournir un résultat. Il pourrait être celui de raisonner, pour trouver ses propres solutions, à l’image d’un cerveau bien vivant.
La naissance du terme intelligence artificielle
John McCarthy, chercheur en informatique et mathématiques, ressent le besoin d’apporter un éclairage nouveau sur la possibilité de modéliser l’intelligence humaine grâce à la technologie. Le 31 août 1955, avec d’autres chercheurs pluridisciplinaires, il rédige une proposition afin d’encadrer, l’été suivant, durant deux mois, un colloque dédié à l’artificial intelligence sur le campus de Dartmouth. Il est question pour ces chercheurs de réorganiser les travaux existants sur les machines intelligentes afin d’accélérer les recherches.
La proposition de Dartmouth apporte la présomption selon laquelle « chaque aspect de l’apprentissage ou toute autre caractéristique de l’intelligence artificielle peut en principe être décrit avec une telle précision qu’une machine peut être fabriquée pour le simuler ». L’intelligence artificielle devient donc la science qui décrit les mécanismes d’apprentissage et d’intelligence du vivant afin de pouvoir les reproduire avec des machines.
« Every aspect of learning or any other feature of intelligence can in principle be so precisely described that a machine can be made to simulate it. »
A proposal for the Dartmouth summer research project on artificial intelligence (1955)
Grâce aux connaissances et compétences techniques disponibles, l’homme aurait la possibilité de reproduire un cerveau, qu’il soit humain ou non. Cela signifie que les machines pourraient désormais simuler des facultés cognitives. De sorte qu’on ne parle plus seulement d’automatisation dans le traitement de l’information mais de réalisation de tâches complexes, adaptées à une situation donnée, avec des possibilités d’analyse et d’apprentissage autonomes. Les machines intelligentes pourraient donc être capables de résoudre des problèmes jusqu’alors réservés aux humains en imitant leurs facultés mentales.
L’IA devient l’objet d’une discipline autonome qui se distingue des autres disciplines connues
En cristallisant en une seule discipline les différentes branches qui tentaient de réaliser des systèmes experts allant au-delà de simples machines automatisées, la conférence de Dartmouth marque un moment clef dans l’histoire de l’IA. McCarthy inscrivait pour la première fois le terme « intelligence artificielle », devenant ainsi l’un des pères fondateurs d’une discipline nouvelle et à part entière.
L’intelligence artificielle s’attribue une définition, celle d’une science permettant de créer des machines intelligentes avec l’ambition de se rapprocher de l’intelligence humaine. Son objet d’étude se concentre sur la capacité à comprendre et reproduire grâce à l’informatique des mécanismes d’intelligence issus des êtres vivants dans des êtres artificiels.
Elle n’est plus seulement étudiée au travers d’autres disciplines scientifiques, en tant que modèle de compréhension des mécanismes d’intelligence. Elle gagne en autonomie en devenant son propre objet d’étude. Ce qui fait que l’IA dispose dorénavant de son propre cadre de pensée et est enfin étudiée pour elle-même.
Conclusion
Depuis la création de l’intelligence artificielle comme discipline intrinsèque, les recherches n’ont cessé d’évoluer dans ce domaine. Les IA répondent de plus en plus à notre besoin de déléguer des tâches répétitives et peu enrichissantes dans le cadre de la transformation digitale en œuvre dans de nombreux secteurs. Certains systèmes se dotent d’une telle expertise qu’un nouveau paradigme semble être à l’œuvre. Et si l’intelligence artificielle, plutôt que de reproduire un cerveau, visait désormais à dépasser certaines capacités cognitives des humains, au point de se demander si l’IA n’est pas la nouvelle blessure narcissique de l’homme ?
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Sources : StoryShaper, J. McCarthy, M. Minsky, N. Rochester, C.E. Shannon (« A proposal for the Dartmouth summer research project on artificial intelligence »), S. Freud (« Introduction à la psychanalyse »)
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